2038 il s'est battu avec un camarade de classe et l'a envoyé à l'hôpital, faut le dire que le type l'avait cherché puisqu'il avait dragué - avec succès - sa copine, mais bon. coup de bol, il n'était pas encore majeur donc il a juste eu un rappel à l'ordre et quelques travaux d'intérêt général.
2056 et+ il a rejoint les rebelles et participé à toutes sortes d'actions illégales, de façon directe ou indirecte. pour l'instant, il ne s'est pas fait arrêter.
(donovan sort un briquet de sa poche de veste, s’allume une clope et en prend une taffe qu’il souffle lentement.)
il avait à peine dix-huit ans. moi, à dix-huit ans, je voulais m’engager dans l’armée. je pensais que c’était le meilleur moyen de protéger les gens. bon, au final, j’ai eu un accident et mes rêves sont partis en fumée. mais c’est pas plus mal. enfin. lui, c’était pas l’armée, c’était les rebelles. misha, c’est comme ça qu’il s’appelait, misha était orphelin. sa mère s’était tuée au travail pour essayer de nourrir toute la famille et son père s’était tiré des années plus tôt. c’était sa grande sœur qui s’occupait de lui et des plus jeunes. et misha, il avait la rage. il voulait être entendu. même si pour ça il fallait faire des dégâts…
(il reste silencieux quelques instants, le regard perdu dans le vide. puis il soupire, et finalement continue de parler.)
j’avais vingt-quatre ans, ça faisait pas si longtemps que j’avais commencé ce boulot au foyer, et c’était pas toujours facile, mais avec misha, le courant passait bien. je crois que c’est parce qu’on venait tous les deux d’une famille nombreuse, et puis, je me souvenais très bien ce que c’était d’être jeune et de croire en un idéal. d’une certain façon, cette description me convenait encore, même si j’avais déjà été un peu déçu. bref- en tout cas, il me faisait confiance, assez pour me parler de ses rêves de rébellion. c’est comme ça qu’il avait atterri au foyer d’ailleurs, parce qu’il avait été attrapé en train de taguer des bâtiments officiel et comme il était pas encore majeur, l’envoyer en prison n’était pas une option.
(il inspire une autre bouffée de nicotine et secoue la tête.)
j’ai essayé de le dissuader, vraiment. j’ai passé des mois à tenter de le faire changer d’avis, sans en parler à personne parce que je ne voulais pas qu’il ait d’ennuis. à la fin, je croyais que j’avais réussi à le convaincre. quand il est sorti du foyer, misha m’a promis qu’il allait arrêter les conneries et trouver du boulot pour aider sa sœur. je pensais avoir accompli quelque chose.
(il laisse échapper un rire amer.)
si j’avais su.
(il tapote sa cigarette sur le rebord de la table pour en faire tomber les cendres, et prend une autre taffe.)
il avait aussi promis de donner des nouvelles, alors, au bout de quelques semaines sans en avoir, j’ai décidé d’aller lui rendre visite. j’ai retrouvé l’adresse de sa sœur aux cdc et j’y suis allé. elle m’a claqué la porte au nez en me voyant. j’ai insisté. j’ai dit que je m’inquiétais pour misha. finalement, c’est un de ses jeunes frères qui est venu me rouvrir. à la description que misha m’en avait fait, j’ai reconnu niki, le plus jeune. il devait avoir douze ans à l’époque. il a levé le regard vers moi et il m’a dit « il est mort la semaine dernière. la police lui a tiré dessus. »
(il marque une pause, l’air sombre. puis il finit par reprendre, d’une voix grave.)
il avait laissé une lettre pour moi. dedans, il s’excusait de ne pas avoir tenu sa promesse et d’être retourné avec les rebelles, parce qu’il ne pouvait pas supporter les injustices qu’il voyait tous les jours. et ça lui a coûté la vie, ce jour-là. le 19 décembre 2055.
(il fixe le type en face de lui droit dans les yeux. les siens sont d’un bleu-gris pâle, perçant. le genre de regard qu’on n’oublie pas.)
misha était juste un gosse. il méritait pas de mourir. et je n’ai pas su le protéger. alors, puisque je ne peux pas empêcher les jeunes de se rebeller, j’ai décidé de les aider. et c’est comme ça que j'en suis arrivé là.
(il rit.)
ça plairait vraiment pas à ma mère.