i'm stuck inside of
these lines i drew


il est à peine neuf heures du matin et c’est le troisième coup de téléphone qu’il reçoit en lien avec le travail. à croire que personne dans cette foutue agence ne comprend le sens du mot "congé". le dimanche est le seul jour de la semaine où junghee ne travaille pas (en dehors de quelques exceptions, lorsqu’un événement important a lieu ce jour-là par exemple), et il n’a pas vraiment envie de le passer à gérer les problèmes de ses collègues, surtout lorsque ces derniers sont parfaitement capables de les régler eux-mêmes. mais depuis l’attaque du douze, c’est un peu le bordel à hydra, pour dire les choses comme elles sont, et même si les plus gros problèmes ont déjà été réglés d’une façon ou d’une autre, une myriade de nouvelles difficultés continue d’apparaître chaque jour. on ne remplace pas quatre-vingt un millions de dollar comme ça. alors plutôt que de rembarrer sèchement la pauvre employée qui vient de l’appeler en panique à propos de m. machin qui n’est pas content parce qu’on a annulé sa campagne de promotion, il lui explique patiemment ce qu’elle doit répondre, et ne raccroche que lorsqu’elle semble rassurée. il repose son téléphone et se masse les tempes, sentant pointer une migraine. à quel moment s’est-il dit que ce serait une bonne idée de devenir responsable de l’image publique d’une énorme entreprise ? ah oui, c’est vrai. en voyant le nombre sur la fiche de paye.

un regard en direction de la large baie vitrée du salon. le soleil tape sur polaris et ses habitants. dehors, il doit probablement faire une température déjà élevée. pourtant, il se dit que sortir lui ferait peut-être du bien. marcher un peu. se changer les idées. qu’est-ce qu’il risque, à part être déçu ? ça lui fera quelque chose à raconter à son psy lorsqu’il le verra ce soir, il suppose. oh, c’est sûr qu’il aura des choses à lui dire, après cette promenade, mais il ne s’en doute pas encore alors qu’il fouille sa penderie à la recherche de vêtements un peu moins formels que ce qu’il a l’habitude de porter pour aller travailler.

il ne se promène pas souvent à pied dans le quartier, et c’est d’abord complètement au hasard qu’il choisit par où aller. comme prévu, l’air est écrasant, même à l’ombre ; il ne regrette pas d’avoir mis des lunettes de soleil. il ne faut pas très longtemps pour qu’il se perde dans ses pensées, les mains glissées dans les poches de son pantalon en toile grise (il n’a pas pu se résoudre à porter quelque chose de plus léger, finalement – au moins, sa chemise blanche est plutôt légère). la chaleur étouffante se fait simple gêne en toile de fond alors que son esprit se concentre sur diverses préoccupations, errant comme lui. et sans qu’il en ait conscience, son pas se fait machinal, empruntant un chemin qu’il connaît. c’est seulement lorsqu’il se retrouve devant un bâtiment bien trop familier qu’il réalise dans quelle direction il a marché pendant tout ce temps.

il se trouve juste devant l’immeuble de nara. il n’était pas passé ici depuis des mois. depuis qu’ils se sont séparés, en fait, et tout à coup un vague sentiment de regret l’envahit. il ne sait dire ce qu’il regrette au juste, pourtant ; d’être vu jusqu’ici ? ou bien ce qui s’est passé ce jour-là, le jour où elle est partie ? impossible de savoir. il y a des questions auxquelles il n’aura jamais de réponse. à moins… à moins qu’il n’ose… son doigt s’aventure près de la sonette, hésitant. il lui suffirait d’appuyer sur le bouton pour entendre sa voix à l’autre bout de l’interphone. rien de bien compliqué, et pourtant, il n’ose pas s’y résoudre. il est trop lâche pour ça. avec un léger soupir, il laisse retomber sa main et s’apprête à faire demi-tour, estimant que c’est bien assez pour aujourd’hui, lorsque la porte de l’immeuble s’ouvre brusquement, le laissant face à face avec une jeune femme qu’il connaît. ou du moins, qu’il a connue, mais il y a longtemps qu’ils ont cessé d’être amis. quelques instants de silence.

nara.

voix neutre, visage fermé, il reste aussi stoïque d’une statue, comme toujours.

j’allais partir.

il se doute bien qu’elle n’a pas très envie de le voir. lui non plus d’ailleurs, préférait ne pas se voir actuellement.