escape (pnj)

tu avais réussi à sortir d'ici, enfin. tu avais besoin de prendre l'air. entre deux entraînements, dont l'un avait été annulé - le manager avait quelque chose d'important à faire, quelque chose comme ça - et tu avais profité de l'occasion pour prendre la poudre d'escampette. pour une fois, tu pensais à toi : tu étais parti seul, tu avais dis que tu retournais à ta chambre pour aller prendre une douche, et tu n'étais jamais revenu. simplement. il ne faudrait pas longtemps avant qu'on vienne te chercher, ou qu'on commence à s'inquiéter. alors il fallait faire vite. tu avais simplement piqué un peu d'argent dans une veste de jeremiah puis tu avais filé. l'idée c'était d'aller acheter un petit truc à manger à sikin, et de trouver un petit quelque chose à nuni.

tu errais, l'esprit occupé par des pensées que tu t'efforçais encore et encore de repousser. il y avait un peu de tout dans ces pensées là. entendre votre chanson de debut eut à peine le mérite de te faire revenir à toi, lorsque tu avais levé les yeux vers l'écran, tu étais tombé nez à nez avec chelsea. ah chelsea. espérons qu'il ait envoyé la lettre, pas vrai ? avec un peu de chance, ta mère l'aurait reçue, puis elle aurait fait passé le mot que vous alliez bien, à celle de sikin, au père de jewel, et puis peut-être à océan et loki, avec un peu de chance ? parfois tu te faisais violence pour ne pas envoyer un message, de peur qu'on te prive aussitôt de ton téléphone. tu savais que tu pouvais, tu savais que le message arriverait, mais tu ne savais pas si océan pourrait le lire, ni même si tu pourrais répondre après ça. alors tu préférais ne rien faire. puisque, rien faire, c'était encore ta spécialité.

sani ?

tu sursautes, tu as bien senti qu'on te bousculait mais tu préfères garder ton masque et faire l'innocent, le mec qui ne sait pas trop ce qui lui arrive. on t'a parlé de sasaeng, de fans cinglés et même si tu doutes vraiment que ça t'arrive à toi... mais quand même, tu préfères prendre tes précautions. sauf que non, c'est la voix d'océan. celle que tu arrives parfois à entendre, lorsque tu réussis à dormir. c'est rare, mais ça arrive. ça fait si longtemps que tu ne l'as pas vu, t'avais l'impression de commencer à oublier son visage, et ... comment est-ce qu'il a fait pour te reconnaître, même ?

océan ... ?

silence, tu baisses un peu ton masque pour le dévisager, il a l'air ... encore plus fatigué que la dernière fois que tu l'as vu. moins triste, aussi, mais l'image des yeux tristes d'océan alors que tu lui disais au revoir, c'est pas quelque chose que tu peux effacer de ton esprit.

qu'est-ce que tu fais si loin de la maison ?

tu vas bien ? c'est ce que tu voulais demander, mais ça ne sort pas, ça reste coincé dans ta gorge, parce qu'il ne va pas bien, personne ne va bien, pas vrai ?

oui.

tu n'avais strictement aucun intérêt à lui mentir. en fait, tu n'avais jamais vraiment su mentir à océan, et il se serait inquiété d'autant plus si tu commençait à lui dire n'importe quoi, alors ... il fallait rester sincère, puisqu'il ne semblait y avoir qu'avec océan que tu parvenais à l'être.

je vais bien, j'ai juste eu besoin de prendre l'air.

tant pis si tu te faisais éclater par le manager en rentrant, maintenant tu en étais sûr, ça en valait la peine : tu avais vu océan. tu n'en demandais vraiment pas plus. en fait, maintenant, tu te demandais surtout comment tu trouverais la force de retourner l'agence, tu te demandais où tu trouverais le courage de tourner les talons et le laisser là, encore une fois. tu étais même presque sûr que tu n'y parviendrais pas, et que ce serait lui qui te pousserait à t'éloigner, à ne pas faire de bêtises, avec un regard sombre et un allez, sani, écoute moi. et il aurait gagné, parce qu'océan gagnait toujours contre toi, et qu'il parvenait toujours à te faire entendre raison. parfois c'était un peu fatiguant, même.

je suis tellement heureux de te voir...

tu ne peux pas t'en empêcher, et si tu savais pleurer, tu en aurais probablement les larmes aux yeux, parce que c'est cet effet là que te fais océan, il te donne l'impression d'être à la maison, mais t'es bien forcé de constater que non : t'as plus vraiment de maison, en tout cas plus près de lui. et ça te rend très triste.

tu n'as même pas le temps de réagir qu'océan s'est jeté dans tes bras, et tu ne trouves rien d'autre à faire que de le serrer contre toi, pour t'assurer qu'il ne s'enfuit pas, qu'il ne s'échappe pas. qu'on te pince, c'est un rêve... océan ne peut pas vraiment être là, pas vrai ? tu te tends un peu, en le serrant plus fort, ton coeur panique, ce parfum tu le connais par coeur et pourtant t'as la désagréable impression d'avoir commencé à l'oublier. heureusement qu'il est là, maintenant.

océan...

y a aucun mot qui te vient, parce que t'as toujours été trop nul pour trouver les bons mots, pour rassurer ceux qui comptent pour toi, et océan il compte pour toi. océan a toujours été là pour toi, et autant que tu saches ... tu as toujours été là pour lui. puis tu es parti. tu sais que vous vous êtes engagés à la space au moment où océan avait le plus besoin de vous, mais fuir était devenu une de tes spécialités avec le temps, surtout dans ce genre de situation, surtout quand ça devenait critique. sauf que voilà ; océan t'avait manqué, océan t'avait beaucoup manqué, plus qu'un simple ami vous manque. enfin, c'est ce que tu supposais ?

j'ai pas envie de te lâcher, océan.

c'est avoué à demi-mot, comme un secret qu'on glisse comme ça, dans le silence, un secret qu'on murmure. tu veux sûrement dire plus, mais tu n'en as juste pas la force.

c'est juste ... une épreuve. c'est juste une épreuve de l'avoir là, devant toi, et de savoir que dans quelques minutes tout au plus tu vas devoir tirer un trait sur lui. t'as envie de lui demander, s'il a eu vent de la lettre - un bon moyen pour savoir si chel a fait ce qu'il a dit qu'il ferait - mais tu trouves pas le courage de perdre du temps avec des questions inutiles. alors ta main libre vient se poser contre sa joue et tu caresses tendrement sa peau, tu t'accordes même le luxe de fermer quelques instants les yeux, juste le temps de graver dans ta mémoire le souvenir de sa peau contre la tienne, de son parfum, et de sa chaleur.

j'ai rêvé de toi, tu sais.

tu souris, un sourire sincère, triste mais sincère, et lorsque tu rouvres les yeux tu continues.

j'ai pas beaucoup dormi, là bas, océ, mais j'ai rêvé de toi, plusieurs fois.

tu approches, un peu, trop sans doute, et tu viens poser ton front contre celui d'océan. vous devez avoir l'air si stupide, vu de l'extérieur, et t'espère que personne aura la bonne idée de vous voir ou pire : de vous photographier, t'imagine pas l'enfer que deviendrait la vie d'océan après ça, et encore, tu doute que ce soit fameux...

bien sûr que j'reviendrai.

t'en es sûr, intimement persuadé. cette industrie, cette agence, ils auront beaucoup mais certainement pas ça. tu reviendras. tu retrouveras océan, et loki, et la vie recommencera, comme avant. comme avant mais en mieux. nuni sera devenu une star, et vous aurez de l'argent. avec un peu de chance, tu pourras ramener bryone aussi. tu sais pas pourquoi tu penses à bryone, maintenant, mais ton cerveau vient d'y penser, juste un peu. rien qu'un instant. avant que tu ne rouvres les yeux sur océan. il est beau océan. il est pas beau comme les gens pensent à la beauté en général, il est beau d'une façon toute particulière, il est beau d'une façon qui fait qu'on se retourne, qu'on s'intrigue, et qu'on admire, en silence. il est beau d'une façon spéciale, d'une façon sacrée, un peu. c'est toujours ce que tu t'es dit, et t'as jamais eu l'occasion d'en parler avec quelqu'un. oh, c'était pas faute d'avoir essayé avec sikinti, mais aussitôt il t'avait dit que c'était super gay. alors tu t'étais tut. parce que c'était mieux comme ça.

j'peux pas vivre sans toi.

c'était déjà une épreuve de survivre là bas, alors oui, oui c'était fatiguant, c'était même éreintant, mais au moins l'entraînement te faisait penser à autre chose que ce que tu avais laissé derrière toi. et ce n'était pas si mal. tu sens ton téléphone vibrer dans ta poche, tu sais que la récré est finie, pas vrai ? crispé, tu esquisses un sourire plus effacé à océan, puis de ta poche tu extirpe les quelques billets que t'as piqué dans la veste de jeremiah, et tu les glisses dans la poche d'océan. tu sais que pour eux, à l'agence, c'est pas grand chose, mais pour lui si. pour vous si. et tu veux que ça aille.

j'essayerai de t'envoyer plus, et je ferai mon possible pour passer.

c'était stupide, sans doute... mais t'aurais bien aimé qu'océan vienne à un concert, à une performance. ou à une fanmeet. oh t'aurais tellement aimé voir sa bouille au milieu de tous les autres. tu l'aurais reconnu, entre mille.

j'te l'promets.

et les promesses, océan sait que c'est pas un truc que tu fais souvent, et surtout pas en l'air. des promesses, t'en fait jamais, et quand tu les fait, c'est uniquement parce que tu es sûr de les tenir. bien sûr, aujourd'hui tu n'es pas sûr. aujourd'hui tu te poses beaucoup de questions, mais tu as tellement envie, tellement envie, de tenir cette promesse que pour une fois, tu veux bien croire nuni quand il dit que les rêves se réalisent toujours.

c'est marrant, quand même. depuis que tu es parti, tu n'as jamais eu autant envie de rentrer, autant envie de t'enterrer sous la terre, avec eux. parce que tu as bien conscience que rien ne sera jamais comme avant et que océan a forcément des problèmes dont il ne te dit rien. tu veux juste le garder près de toi, et le garder en sécurité. pendant un instant, tu as juste envie de le ramener à l'agence, et de balancer que tu as trouvé un nouveau trainee. mais non, bien sûr que non, il ne voudra jamais, et ça ne marchera jamais.

quand je serais plein aux as, je te payerai l'opération.

après tout, des médecins tu en connais plein maintenant, entre ceux qui passent s'assurer que nuni va bien, ceux qui zieutent chelsea d'un mauvais oeil et ceux qui passent bien trop de temps avec céleste, oui, des médecins, tu en as déjà vu plein. il y en aura forcément un qui saura quoi faire pour océan, pas vrai ? ça se soigne, pas vrai ? tu n'en doutes pas, désormais tout est soignable.

à moi ?

ce n'est pas la première fois qu'océan te le demande, de faire attention à toi. ce ne sera probablement pas la dernière non plus. d'un côté, tu n'as jamais vraiment fait attention à toi, ça n'a jamais été ta priorité. non. toujours les autres, toujours nuni... sikin... dieu merci jewel s'en était toujours très bien sorti par lui-même jusqu'ici, alors... alors tu ne sais pas quoi lui répondre, et pendant quelques instants tu hésites à simplement prétexter l'appel pour filer. mais c'est océan. tu ne peux pas faire ça à océan. océan compte beaucoup trop pour toi. oh, vous allez probablement vous disputer dès lors que tu auras ouvert la bouche, sani, mais ... mais il faut que tu sois honnête. c'est ce dont océan a besoin. et si vous vous disputez, peut-être que ça fera passer plus simplement la pilule de ne pas vous voir pendant un bon moment ? tu espères. en vérité, tu as peur. tu as tellement peur de revenir un jour dans les souterrain et de n'y trouver personne. ni loki. ni océan. ni ta mère. personne. personne d'autre que le silence et la désolation. plus le temps passe, et plus tu te dis que ça va finir comme ça. alors si tu dois faire une seule bonne chose, encore une, c'est bien les sortir de là, avant de ne plus en avoir la chance.

je suis bien traité là où je suis océan. ma priorité, maintenant...

oh vous allez vous disputez, tu le sens, c'est comme si l'air devenait électrique. tu es tendu, et tu le sens le téléphone, tu le sens qui vibre, tu ne pourras pas fuir éternellement ; il y a la puce, sous ta peau, et le gps du téléphone. aucune chance d'attraper le poignet d'océan et de vous échapper tous les deux.

ma priorité c'est toi, océan.

tu sens. tu sens qu'océan veut dire quelque chose mais qu'il n'en a simplement pas le courage. océan voudrait te voir différent, moins torturé, plus raisonnable. océan voudrait que tu t'inquiète pour toi, aussi, mais vous n'en seriez pas là, si c'était le cas. en vérité, si tu avais commencé par t'en faire pour toi, nuni ne serait probablement plus en vie, et ta mère se serait tuée au travail. alors non, ce n'était pas aujourd'hui que tu allais penser à toi, ce n'était simplement pas une option dans ta vie actuelle, et peut-être que tu ne pourrais jamais t'en payer le luxe.

océan...

silence, il est revenu se réfugier dans tes bras, il a l'air si... vulnérable comme ça. tu as envie del ui dire que tout ira bien, et que tu es désolé, désolé que ça prenne si longtemps.

je reviendrai. je pourrai pas vivre sans toi, de toutes façons. je sais pas faire, océan. j'ai jamais su faire.

sans lui c'est trop dur. c'est trop dur de tout garder en toi, de ne jamais te confier à personne, de sourire tout le temps, et de faire comme si tout allait bien. tu as besoin d'océan, plus que jamais. et tu aimerais lui faire comprendre. mais tu ne sais pas comment, pas sans que ça change la donne, pas sans avoir envie de rester à ses côtés ensuite. alors tu te penches un peu et tu déposes un baiser, là, sur sa joue. comme des amis, finalement, pas vrai ? c'est ce que vous êtes, non ? même toi tu peine à le croire.