tu fais ta performance ; comme un bouffon faisant rire les rois, tu leur adresses un sourire maladroit lorsque les mots finissent par se tarir au creux de ta gorge. tu t'offres même le luxe de laisser quelque ricanement t'échapper, tu ressembles à un gamin trop fier de pouvoir donner la réponse d'un exercice difficile devant toute la classe. les casteurs, eux, ils te sourient, amusés.
ils se rient de toi, et tu essaies de ne pas te rendre compte pour que ça ne fasse pas mal. toi, l'avant-dernier à passer, avant nuni. nuni, le petit prodige qui a toujours voulu devenir idole. nuni, à qui tu aurais aimé ressembler, toi qui ne te doutes pas, qui ne te rend pas compte, probablement. tu es stupide, sikinti. tellement stupide que c'en devient affligeant.
à penser que tu pouvais être accepté, après avoir démontré à quel point ce serait une erreur de t'engager parmi les autres artistes talentueux de l'agence. bien sûr, tu avais la chance d'avoir un frère jumeau - aksel, tout ton contraire, oui le sportif. vous le connaissez sûrement. capitaine de l'équipe de football américain de polaris, un petit prodige lui aussi, un génie parmi les hommes. et puis il y a sikin. sikin c'est pas grand-chose, c'est un garçon stupide, trop maigre pour être en bonne santé, au visage défoncé par l'acné et qui sait pas où se mettre quand on lui adresse la parole. sikin, il a de la chance d'être gentil. parce que sikin c'est vraiment pas grand-chose.
la psychologue (femme dans la quarantaine, tirée à quatre épingles, qui le regarde par dessus ses lunettes épaisses) lui pose une question par rapport à son frère jumeau. il fronce les sourcils, et remue dans le siège trop grand pour lui (plus pour longtemps, pas avec ce que le manager met dans ses repas, sans qu'il le sache, lui qui n'a pas le droit de manger ce que les autres mangent.) (les toilettes lui sont interdits d'accès la nuit, et le jour il y va surveillé, pour éviter de se faire vomir. parce qu'on est jamais trop prudent. les médicaments qu'il doit prendre, on le force à les avaler, quitte à l'attraper par les cheveux et lui boucher le nez pour qu'il ouvre enfin la bouche. ça se passe derrière les portes closes, et qui sait ce qu'il se passera s'il dit la vérité à quelqu'un ? il ne sait pas et il est terrifié). ce siège, là, bientôt il est pile à sa taille, il est même un peu trop grand pour s'y installer confortablement, lui qui a gagné cette nouvelle musculature, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à aksel ! c'est un petit miracle pour space entertainment, et lui son ventre gargouille furieusement quand il baisse les yeux sur son plat à peine rempli.
son péché, c'est probablement devenu la gourmandise.
il ne sait pas résister, il en veut plus.
plus de tout.
plus de sani, qu'il aime à s'en faire mal, et jewel qu'il a toujours aimé mais à qui il n'a jamais trouvé le courage de déclarer sa flamme. il les aime tous les deux, et il les déteste un peu aussi, pour ce qu'ils sont - ce qu'il ne sera jamais.
lui qui n'a jamais rien eu, il rêve de posséder le monde pour lui seul.
une main se pose sur ses épaules et il relève les yeux, posant les yeux sur Monsieur le Directeur. il n'aime pas son CEO, mais il ne se doute pas du quart de ce qu'il a fait. il n'aime juste pas la main grasse, le sourire pernicieux, le regard lubrique. il lui fait il va falloir songer à s'améliorer, n'est-ce pas ? ne nous fais pas regretter de t'avoir engagé, sikinti !.
son sang se glace et il prend peur, son corps tout entier secoué de frissons, au rythme du rire de l'homme d'affaires. il sait qu'il doit sa réussite à son visage, qu'il a emprunté à quelqu'un d'autre. il sait qu'il doit sa réussite à son frère.
le soir venu, il se défoule sur bryone. il le frappe une fois et l'insulte, parce que c'est tout ce qu'il sait faire convenablement : être violent. et l'autre garçon, il est faible et vulnérable, il a peur, c'est bien la première fois que quelqu'un a peur de sikinti.
alors il frappe. encore un peu, encore et toujours.
il les hait tous - surtout lui-même.