San
Pourtant Venus a l’air si gentil, vraiment, il semble être si confiant, comment lui dire non ? Sa voix est comme du miel dans vos oreilles, et ses sourires ont l’air si vrai, il y a quelque chose d’envoutant dans sa manière de vous parler. Venus est lumineux dans un monde de noirceur qu’il apprécie silencieusement, il s’y fond comme un mouton blanc dans une masse noire, comme le cygne noir de la basse-cour de la mafia ; la pureté de son regard n’a d’égal que la noirceur de son âme et il est si difficile de s’en rendre compte, si facile de l’ignorer. Venus rassure, Venus semble parfait et tout ce qu’il touche avec. Venus sait vendre et parler, il manie les mots aussi bien que l’arme qu’il porte toujours sur lui, prêt à tirer, prêt à s’agacer. Venus est aussi chaleureux que ses mots sont froids, ses remarques acides et ses commentaires désabusés, Venus s’agace des autres et de leur bêtise, Venus méprise les hommes et les plaint tout en même temps. Il juge de son regard de glace et se contente de soupirer, s’assure que tout est parfaitement organisé, s’énerve lorsque ce n’est pas fait.
Les masques de Venus ne se fissurent jamais, même lorsque ses doigts se tâchent de sang, et son visage avec, même lorsqu’il tient les poignets d’un adolescent, même lorsqu’il décide du prix d’un arrangement. Venus n’a de doux que le nom et les apparences, le reste est un glacier escarpé, aussi insensible que l’est la montagne face aux tempêtes. Venus n’est pas grand, mais il ne laisse personne le regarder de haut, et personne n’est assez fou pour essayer.
Il y a quelque chose de mauvais chez Venus, sous cette couche de glace et de sourires, il y a la frustration d’un être en colère, la violence d’une âme en peine, le désir toujours plus grand de contrôler, de se venger, d’expier une faute qu’il ne s’est jamais pardonné lui-même. Venus est plein d’une colère froide qui menace d’éclater à chaque instant, Venus est la mer tranquille prête à se déchainer pendant la nuit, Venus ne répond que de lui-même, jamais des autres, et pourtant il fait très attention, vraiment, et aucun détail n’échappe jamais à son regard.
Venus gère de la marchandise avant de gérer des humains, et de ses sentiments il ne reste rien depuis longtemps.
I. Venus. Il y a quelque chose d’étrange dans ce prénom, quelque chose de spécial. “Pourquoi je m’appelle Venus, maman ?” Elle ne répond pas, se contente de hausser les épaules, et continue de préparer le repas. Venus la regarde quelques secondes, avec ses grands yeux noirs plein de questions et d’incompréhension, puis il se détourne et décide de jouer dehors.
Dehors il fait beau, les oiseaux chantent, et sa soeur chante. “Je veux être idole,” Venus rigole, essaye de chanter avec elle, elle secoue la tête. “Tu chantes faux. Et puis t’es trop moche pour être idole. Moi je suis belle, comme papa.” Venus fait la mou. “Moi aussi je suis comme papa.” Il proteste un peu, il essaye au moins. “C’est pas possible.” répond-elle sans le regarder. Venus ne comprend pas.
“Dis à ton fils d’arrêter de traîner dans mes pattes.” Venus s’écarte en sursautant, évitant de justesse le coup de pied. Il se prend le second dans le tibias et ça fait mal, mais il ne pleure pas, il a déjà trop pleuré. “Maman, j’ai mal, maman ?” Elle ne le regarde toujours pas, elle soupire et retourne dans sa chambre, “Va jouer dehors,” lui dit sa soeur, “On veut pas te voir,” Venus renifle et baisse la tête, il prend ses craies en partant, pour dessiner sur les murs de la maison.
“A l’école ils se moquent de mon prénom.” Sa soeur lève les yeux au ciel. “En même temps il est horrible ton prénom.” Venus se renfrogne, il voit son père dans l’encadrement de la porte. “Dégage de là Venus,” La claque part et sa soeur rigole. Elle lui met une tape derrière la tête. “Bien fait pour toi.” Venus va pleurer dans sa chambre, il se frotte le bleu sur sa jambe, et les trois sur son bras. Il a demandé de la crème à sa mère, elle a fait semblant de ne pas l’entendre.
“Papa c’est même pas ton père de toute façon. T’es pas vraiment mon frère. T’es ici parce qu’on te tolère.” Venus reste silencieux, le regard braqué par terre, les bras enroulés autour de ses genoux. “Et puis même maman ne t’aime pas.” Venus renifle. “Si elle m’aime.” “Non elle te déteste. Moi aussi je te déteste. Et papa aussi. On te déteste tous.” Venus secoue la tête et se bouche les oreilles, il ne veut pas l’entendre, il ferme les yeux, fort, il ne veut pas la voir non plus. Il court rejoindre sa mère. Il se jette dans ses jambes, presque, s’accroche à sa taille. Elle est surprise quelques secondes, le regarde, ne dit rien, s’écarte. “Hein tu me déteste pas ?” Elle ne répond pas.
“Je vais devenir célèbre et je ne te verrai plus jamais !” Venus a des grands yeux ébahis devant l’enseigne colorée. “Tu ne seras pas invité à mes concerts mais j’espère que tu me verras à la télé.” Sa soeur disparaît derrière les portes de cette agence. Sa mère lâche sa main, se détourne, son père rigole avec des hommes, il a l’air fier. Venus trottine derrière sa mère. Il est un peu triste de voir partir sa soeur, mais aussi soulagé. Elle ne pourra plus le taper, ni l’humilier, ni le faire se sentir étranger dans sa propre famille, et peut-être qu’au fond, c’est mieux comme ça.
II. “Tu me fais mal, arrête ! Arrête ! Papa !” “Je suis pas ton père, bordel, quand est-ce que tu vas te rentrer ça dans le crâne, petit con, je ne suis pas ton père !” Venus crie et hurle et se débat mais il lui tire les cheveux trop fort et il a mal et il ne sait pas quoi faire pour se défendre. A travers ses larmes, il voit sa mère qui s’éloigne, qui fait semblant de ne pas voir, comme d’habitude. Elle fuit, elle a toujours fuit, Venus s’en rend-compte maintenant, s’est-elle seulement jamais arrêtée pour lui parler un jour ? Pour lui expliquer ? Ou l’a-t-elle toujours ignoré avec son regard plein de pitié ? Venus hurle de plus belle, il crie son nom, “Maman !” Elle se retourne, lui jette un regard. “Maman, s’il te plait-” “Mais ta gueule !” Venus sent son corps partir et s’écraser contre la porte, sa tête heurte la poignet, il voit flou quelques secondes. Le choc l’empêche d'émettre le moindre son. La seconde suivante il est dehors, et la porte est refermée derrière lui.
“Mais t’as quel âge ?” Venus hausse les épaules. “C’est pas important.” Il a un oeil violacé et du sang sur les doigts. “C’est quoi ton nom ?” “Ven-... San.” Venus a hésité, et il se promet que cela ne se reproduira plus. “T’es prêt à faire quoi ?” “Tout.” Venus a les habits déchirés du gamin qui traîne dans la rue depuis des jours, les cheveux sales, le regard terne, les ongles noirs, et on le regarde comme un pestiféré. “Tu vas à l’école ?” “Non.” “Chez tes parents ?” Venus ne répond pas, se contente de hausser les épaules, regarde ailleurs quelques secondes. “Donnez moi une chance.” L’homme rit un peu. “T’es marrant.”
“Ou est-ce que t’étais ?” Venus cligne des yeux, surpris. C’est sa mère qui vient de parler. Il se tourne vers elle, la serviette encore dans ses cheveux mouillés, la vapeur de la douche derrière lui. Elle le regarde, de ses grands yeux noirs, elle aussi, comme lui la regardait, avant. “Ou est-ce que t’étais, Venus ?” répète-t-elle. Et Venus sourit, son premier sourire depuis si longtemps, un sourire si doux, et si froid qu’il se sent frissonner lui-même. “Ailleurs, maman, ne t’inquiète pas pour moi.” Ne t’inquiète plus pour moi. Elle ne s’était jamais inquiétée pour lui, de toute façon, pourquoi commencerait-elle maintenant ? Ce n’était pas la première fois qu’il ne rentrait pas. Il rentrait de moins en moins souvent, depuis la fois où son père l’avait mis dehors (il avait quinze ans, et maintenant Venus en a dix-huit, et dehors, on le traite mieux que dedans. Même quand.)
III. Quand le type a fini, Venus se rhabille, soupire, compte l’argent. “Pourquoi tu fais ça ?” Il est gentil, l’autre, un peu paumé, ce gosse de riche. “Pour le fric.” Venus sourit. “Et pour toi, aussi, un peu.” Il ment, mais le gamin rougit. C’est marrant. Venus se rapproche de lui. “Tu sais bien que j’ai besoin de toi.” Venus murmure au creux de son oreille. “J’ai besoin que tu m’aides.” L’autre hoche la tête, sourit bêtement, et puis s’excuse en partant. Venus perd son sourire.
“Elle te fait confiance, ne la déçoit pas.” Venus hoche la tête, sourit poliment. “Je tâcherai d’être à la hauteur.” Il referme la veste de son costume noir, et accepte le verre de champagne qu’on lui propose. “Un bureau ?” “Elle dit que c’est toujours bien pour recevoir.” Venus ne bronche pas, se demande quel est l’intérêt, décide d’installer un canapé. Il est en cuir. Mapple et Sana n’y font pas leurs griffes. Venus laisse ronronner les chats alors qu’il s’étend sur le sofa. Il soupire, se pince l'arête du nez. “Répète-moi ça du début.” “Le gamin avec qui vous… enfin, vous étiez. Il veut vous voir. Il dit que vous le reconnaîtrez.” Venus accepte, met son plus sourire, le gamin passe la porte. “San ! Tu m’as manqué, tu as réussi alors ?” “Oui.” “Je suis content de t’avoir aidé. San ?” Venus attrappe sa gorge. “Je m’appelle Venus.” Il sert, fort. Et le gamin suffoque, et veut se débattre, alors Venus le relâche. Il se penche sur lui, caresse sa joue et sourit. “Je ne veux plus jamais te voir. Je te tuerai la prochaine fois.”
“C’est qui ce gosse ?” La violence avec laquelle le pied de biche s'abat sur le visage de l’homme ne peut que faire gicler l’hémoglobine. Les autres ne disent rien. Venus ne fait pas de commentaire et s’essuie un peu la joue. “Quelqu’un d’autre pour contester mes ordres ?” Il n’y a pas un bruit et Venus sourit. “Parfait. Au boulot alors.”
Dehors il fait beau, les oiseaux chantent, et sa soeur chante. “Je veux être idole,” Venus rigole, essaye de chanter avec elle, elle secoue la tête. “Tu chantes faux. Et puis t’es trop moche pour être idole. Moi je suis belle, comme papa.” Venus fait la mou. “Moi aussi je suis comme papa.” Il proteste un peu, il essaye au moins. “C’est pas possible.” répond-elle sans le regarder. Venus ne comprend pas.
“Dis à ton fils d’arrêter de traîner dans mes pattes.” Venus s’écarte en sursautant, évitant de justesse le coup de pied. Il se prend le second dans le tibias et ça fait mal, mais il ne pleure pas, il a déjà trop pleuré. “Maman, j’ai mal, maman ?” Elle ne le regarde toujours pas, elle soupire et retourne dans sa chambre, “Va jouer dehors,” lui dit sa soeur, “On veut pas te voir,” Venus renifle et baisse la tête, il prend ses craies en partant, pour dessiner sur les murs de la maison.
“A l’école ils se moquent de mon prénom.” Sa soeur lève les yeux au ciel. “En même temps il est horrible ton prénom.” Venus se renfrogne, il voit son père dans l’encadrement de la porte. “Dégage de là Venus,” La claque part et sa soeur rigole. Elle lui met une tape derrière la tête. “Bien fait pour toi.” Venus va pleurer dans sa chambre, il se frotte le bleu sur sa jambe, et les trois sur son bras. Il a demandé de la crème à sa mère, elle a fait semblant de ne pas l’entendre.
“Papa c’est même pas ton père de toute façon. T’es pas vraiment mon frère. T’es ici parce qu’on te tolère.” Venus reste silencieux, le regard braqué par terre, les bras enroulés autour de ses genoux. “Et puis même maman ne t’aime pas.” Venus renifle. “Si elle m’aime.” “Non elle te déteste. Moi aussi je te déteste. Et papa aussi. On te déteste tous.” Venus secoue la tête et se bouche les oreilles, il ne veut pas l’entendre, il ferme les yeux, fort, il ne veut pas la voir non plus. Il court rejoindre sa mère. Il se jette dans ses jambes, presque, s’accroche à sa taille. Elle est surprise quelques secondes, le regarde, ne dit rien, s’écarte. “Hein tu me déteste pas ?” Elle ne répond pas.
“Je vais devenir célèbre et je ne te verrai plus jamais !” Venus a des grands yeux ébahis devant l’enseigne colorée. “Tu ne seras pas invité à mes concerts mais j’espère que tu me verras à la télé.” Sa soeur disparaît derrière les portes de cette agence. Sa mère lâche sa main, se détourne, son père rigole avec des hommes, il a l’air fier. Venus trottine derrière sa mère. Il est un peu triste de voir partir sa soeur, mais aussi soulagé. Elle ne pourra plus le taper, ni l’humilier, ni le faire se sentir étranger dans sa propre famille, et peut-être qu’au fond, c’est mieux comme ça.
II. “Tu me fais mal, arrête ! Arrête ! Papa !” “Je suis pas ton père, bordel, quand est-ce que tu vas te rentrer ça dans le crâne, petit con, je ne suis pas ton père !” Venus crie et hurle et se débat mais il lui tire les cheveux trop fort et il a mal et il ne sait pas quoi faire pour se défendre. A travers ses larmes, il voit sa mère qui s’éloigne, qui fait semblant de ne pas voir, comme d’habitude. Elle fuit, elle a toujours fuit, Venus s’en rend-compte maintenant, s’est-elle seulement jamais arrêtée pour lui parler un jour ? Pour lui expliquer ? Ou l’a-t-elle toujours ignoré avec son regard plein de pitié ? Venus hurle de plus belle, il crie son nom, “Maman !” Elle se retourne, lui jette un regard. “Maman, s’il te plait-” “Mais ta gueule !” Venus sent son corps partir et s’écraser contre la porte, sa tête heurte la poignet, il voit flou quelques secondes. Le choc l’empêche d'émettre le moindre son. La seconde suivante il est dehors, et la porte est refermée derrière lui.
“Mais t’as quel âge ?” Venus hausse les épaules. “C’est pas important.” Il a un oeil violacé et du sang sur les doigts. “C’est quoi ton nom ?” “Ven-... San.” Venus a hésité, et il se promet que cela ne se reproduira plus. “T’es prêt à faire quoi ?” “Tout.” Venus a les habits déchirés du gamin qui traîne dans la rue depuis des jours, les cheveux sales, le regard terne, les ongles noirs, et on le regarde comme un pestiféré. “Tu vas à l’école ?” “Non.” “Chez tes parents ?” Venus ne répond pas, se contente de hausser les épaules, regarde ailleurs quelques secondes. “Donnez moi une chance.” L’homme rit un peu. “T’es marrant.”
“Ou est-ce que t’étais ?” Venus cligne des yeux, surpris. C’est sa mère qui vient de parler. Il se tourne vers elle, la serviette encore dans ses cheveux mouillés, la vapeur de la douche derrière lui. Elle le regarde, de ses grands yeux noirs, elle aussi, comme lui la regardait, avant. “Ou est-ce que t’étais, Venus ?” répète-t-elle. Et Venus sourit, son premier sourire depuis si longtemps, un sourire si doux, et si froid qu’il se sent frissonner lui-même. “Ailleurs, maman, ne t’inquiète pas pour moi.” Ne t’inquiète plus pour moi. Elle ne s’était jamais inquiétée pour lui, de toute façon, pourquoi commencerait-elle maintenant ? Ce n’était pas la première fois qu’il ne rentrait pas. Il rentrait de moins en moins souvent, depuis la fois où son père l’avait mis dehors (il avait quinze ans, et maintenant Venus en a dix-huit, et dehors, on le traite mieux que dedans. Même quand.)
III. Quand le type a fini, Venus se rhabille, soupire, compte l’argent. “Pourquoi tu fais ça ?” Il est gentil, l’autre, un peu paumé, ce gosse de riche. “Pour le fric.” Venus sourit. “Et pour toi, aussi, un peu.” Il ment, mais le gamin rougit. C’est marrant. Venus se rapproche de lui. “Tu sais bien que j’ai besoin de toi.” Venus murmure au creux de son oreille. “J’ai besoin que tu m’aides.” L’autre hoche la tête, sourit bêtement, et puis s’excuse en partant. Venus perd son sourire.
“Elle te fait confiance, ne la déçoit pas.” Venus hoche la tête, sourit poliment. “Je tâcherai d’être à la hauteur.” Il referme la veste de son costume noir, et accepte le verre de champagne qu’on lui propose. “Un bureau ?” “Elle dit que c’est toujours bien pour recevoir.” Venus ne bronche pas, se demande quel est l’intérêt, décide d’installer un canapé. Il est en cuir. Mapple et Sana n’y font pas leurs griffes. Venus laisse ronronner les chats alors qu’il s’étend sur le sofa. Il soupire, se pince l'arête du nez. “Répète-moi ça du début.” “Le gamin avec qui vous… enfin, vous étiez. Il veut vous voir. Il dit que vous le reconnaîtrez.” Venus accepte, met son plus sourire, le gamin passe la porte. “San ! Tu m’as manqué, tu as réussi alors ?” “Oui.” “Je suis content de t’avoir aidé. San ?” Venus attrappe sa gorge. “Je m’appelle Venus.” Il sert, fort. Et le gamin suffoque, et veut se débattre, alors Venus le relâche. Il se penche sur lui, caresse sa joue et sourit. “Je ne veux plus jamais te voir. Je te tuerai la prochaine fois.”
“C’est qui ce gosse ?” La violence avec laquelle le pied de biche s'abat sur le visage de l’homme ne peut que faire gicler l’hémoglobine. Les autres ne disent rien. Venus ne fait pas de commentaire et s’essuie un peu la joue. “Quelqu’un d’autre pour contester mes ordres ?” Il n’y a pas un bruit et Venus sourit. “Parfait. Au boulot alors.”
