(but they would'nt talk to us)
feat sirene
ezra étouffe un bâillement. il éteint les lumières clignotantes du salon de tatouage derrière lui en verrouillant la porte — on l’a laissé fermer la boutique aujourd’hui. le patron est souvent en vadrouille à droite à gauche, il tatoue pas beaucoup au final. encore moins depuis que ezra a commencé son apprentissage. les clients sont rares aussi, le plus souvent ce sont juste des gamins qui viennent réclamer des crânes sur le torse et des flingues le long de la gorge et que ezra chasse en rigolant et en le lançant de miettes de chips. mais ils reviennent toujours ; ezra peut pas passer une journée tranquille. c’est probablement le retour de bâton d’être trop bon trop con et de prendre tous les orphelins des rues sous son aile.
(pas qu’il se plaint vraiment non plus ; il les aime ses gosses)
il remonte les ruelles sans même y regarder, se dirigeant vers l’église. son dernier squat a pas très bien fini, aussi ezra y est retourné pour le moment — il fait souvent ça. depuis quatre ans, il alterne entre des immeubles abandonnés, des canapés de connaissances et même l’arrière boutique du salon pour trouver des endroits où dormir. mais il finit souvent par revenir à l’église. ezra n’aime pas la solitude, il n’est pas fait pour rester seul. et tant qu’il n’aura pas un appartement avec une porte fermée à clé, il ne peut pas se permettre de rester trop longtemps aux mêmes endroits. ce n’est pas sûr. mais l’argent commence à rentrer, doucement. l’apprentissage paye une misère, mais la boutique de thés, qu’il a commencé il y a six mois, lui permet de mettre des économies de côté, un peu. s’il se débrouille bien, il pourrait louer un studio avant l’hiver. et puis après peut-être qu’il pourrait même quitter les cdc. ouvrir son propre salon un jour, un qui quoi soit aux normes d’hygiène au moins.
(ezra rêve un peu, mais il n’est pas naïf; il ne partira pas.
pas tant qu’on lui aura pas donné le cadavre d’azur pour faire son deuil.)
l’église est familière, rassurante. c’est là qu’il a vu azur pour la dernière fois, c’est peut-être pour ça qu’il y revient encore. ezra sourit d’un air fatigué, agite la main vers les gens qu’il reconnaît. deux gamins courent vers lui — il les reconnaît, ils sont arrivés avec leur mère y a quelques mois de cela. egg! egg t’as ramené des trucs ? t’en as pour nous ? ezra sourit, fouille dans son sac et sort des paquets de nouilles instantanés et des beignets qu’il a enveloppé dans des serviettes. donnez ça à votre mère et soyez sages ou j’vous casse vos dents de lait les mômes. les gosses rigolent, savent que c’est pour de faux — ez frappe pas le premier, ni les plus petits. ils filent en courant. ezra se dirige vers le fond de l’église, baisse la tête pour éviter les regards des types un peu trop louches pour être de simples réfugiés. c’est mieux de se faire oublier avec ces gars-là.
il se laisse tomber sur son coin, soupire un peu et se frotte les yeux — il a des lunettes qu’il met le soir ou pour lire, pour sa fatigue oculaire, mais l’un des verres a une fissure alors il évite de trop les utiliser tant qu’il ne les a pas remplacé. il est suffisamment connu et apprécié pour savoir qu’on ne viendra pas lui piquer son matelas le temps qu’il s’absente pour bosser. de toutes manières, ce qui est important reste toujours dans son sac à dos, qu’il trimballe partout. ezra se redresse, regarde un peu autour de lui. la silhouette familière qui erre entre les âmes perdues lui arrache un sourire, il agite la main. hey. sirène. il fouille un peu dans son sac, en sors un paquet de bonbons colorés. t’en veux ? l’dit pas aux gosses ils vont venir me dépouiller et c’est mon dernier. il aime bien sirene. elle a rien à faire ici
(mais n'est-ce pas vrai pour chacun d'entre eux ?)