float on (pnj)

qu'est-ce qu'on vient faire dans un bar, en général ? boire. et il ne fait pas exception ; il est là pour boire et se détendre après une journée spécialement pourrie, incluant notamment la troisième bagarre de la semaine entre trois groupes de gamins qui se refont la seconde guerre mondiale au foyer depuis quelques temps. il est fatigué, donovan, et bon sang, il aime vraiment ces gamins mais des fois il a envie d'en prendre un pour taper sur l'autre. il s'abstient, cependant. il préfère passer ses nerfs autrement - en allant fumer une clope dès qu'il en avait l'occasion, par exemple, ou en oubliant un peu le boulot comme il le faisait actuellement. accoudé au bar avec son verre de whiskey à la main, il promène son regard sur les autres clients de ce soir, curieux. il n'a jamais mis les pieds dans ce bar auparavant. il ne sort pas si souvent. ses différentes activités lui laissent assez peu de temps libre, finalement, et souvent il profite de ce qui lui reste pour se reposer, chez lui, devant la télévision ou avec un bouquin. il grimace en songeant qu'il a des habitudes de personne âgée. mais c'est bien pour ça qu'il est venu, non ? pour changer. la nouveauté a autant, sinon plus d'attrait que les petites habitudes, il est le premier à l'affirmer.

il est assis là depuis un moment lorsque ses yeux se posent sur une jolie femme à l'autre bout de la pièce, et- non, ce n'est pas le coup de foudre, il n'a plus quinze ans, merci bien, mais il esquisse un petit sourire et se lève dans l'idée d'aller lui parler. sauf qu'il y a du monde et il est tellement occupé à essayer de ne pas la perdre du regard qu'il ne fait pas attention à ce qu'il y a devant lui et renverse accidentellement son verre sur quelqu'un. génial. exactement ce qui lui manquait pour passer une bonne soirée. il soupire et jette un coup d’œil à la personne en question. mince, il en lui en a vraiment foutu partout, hein ?

pardon, s'excuse-t-il d'un air bourru. attends, bouge pas.

il fait demi-tour pour revenir vers le bar.

vous auriez pas des serviettes, un truc comme ça ?

au moins, il est sympa, il essaie de rattraper les dégâts plutôt que de simplement se barrer comme si de rien n'était (très tentant). tant pis pour la nana qu'il avait remarquée, il suppose.

il lance un regard sceptique à la victime de sa maladresse. il ne s'attendait pas à ce genre de réaction (c'est bien la première fois qu'un type à qui il vient de renverser de l'alcool dessus dans un bar lui sourit) mais il ne va certainement pas s'en plaindre, au contraire. il hausse les épaules.

comme tu veux.

il détaille l'inconnu pendant quelques secondes, ce qu'il n'avait pas vraiment pris le temps de faire avant. brun, des traits asiatiques, pas très grand (voire minuscule de son point de vue). un sourire charmant, aussi. bon. finalement, tout n'est peut-être pas perdu. cette rencontre fortuite pourrait se réveler intéressante - en tout cas, miles l'espère.

laisse-moi au moins t'offrir un verre pour me faire pardonner, alors.

il commande un nouveau whisky pour lui puisque le premier a connu une fin prématurée, et indique au barman qu'il payera la commande du jeune homme. puis il se tourne vers ce dernier, s'appuyant contre le bar, et il lui tend la main pour la serrer.

donovan, se présente-t-il sobrement.

il y a dans le gris de ses yeux un petit éclat d'intérêt qui ne demande qu'une étincelle pour prendre feu.

doucement, ça n'est pas vraiment dans le vocabulaire de donovan. quand il serre la main, il le fait avec force, sans être brutal tout de même mais fermement. une poignée de main virile, comme on dit. une expression qui possède sans doute un petit côté sexiste, et pourtant, elle lui va comme un gant (mais il l'est peut-être un peu, sexiste, qui sait). il lâche márr, laissant filer ses doigts et un rire discret.

je te donnerais une raison d'être vraiment flatté, alors.

oh, sa façon de le regarder ne lui a pas échappé, bien au contraire ! il n'a pas l'habitude d'être celui avec qui on flirte, et il trouve ce changement divertissant, voire même rafraîchissant. quoi ? il n'a pas le droit de s'amuser un peu ? il a vingt-huit ans, bon sang, pas quatre-vingt-cinq.

pas spécialement. je m'ennuyais et ça faisait un moment que j'étais pas allé dans un bar. et toi ?

il attrape le verre qu'on vient de lui servir et boit une gorgée, sans pour autant quitter l'autre du regard. l'alcool fort lui pique la langue, mais il n'y est plus sensible depuis longtemps - depuis toutes ces bières et ces cocktails à l'adolescence, en fait.

un habitué, hm ? ce qui veut dire que s'il revient ici, il le croisera peut-être à nouveau. donovan note l'information dans un coin de sa tête, au cas où, et avale une autre gorgée plutôt que de répondre. choix peut-être peu judicieux, parce qu'il manque de tout recracher tellement il est étonné quand la main de márr se pose sur son bras. okay, il ne s'attendait pas à ça. c'est une chose de ne pas savoir être subtil, et c'en est une autre de se retrouver face à quelqu'un d'encore plus flagrant que lui. il tousse un peu, déconcerté, puis repose son verre sur le comptoir et secoue la tête.

je suis surpris, avoue-t-il avec un petit rire, et curieux. tu ne veux pas m'en dire un peu plus sur toi ?

le regard qu'il fixe à nouveau sur lui est aussi intéressé qu'évaluateur ; sa curiosité est sincère, de toute façon donovan ne sait pas mentir. c'est à la fois une de ses plus grandes qualités et un de ses plus grands défauts, cette authenticité permanente. et il est difficile de prévoir à l'avance si ce sera un avantage ou un inconvénient.

pas grand-chose à dire ? donovan n'est pas du tout d'accord. il peut penser à toute une liste de choses qu'il aimerait bien savoir à propos de ce charmant jeune homme, mais rien ne presse. il aura toujours l'occasion lui poser d'autres questions plus tard. pour l'instant, il l'écoute tranquillement lui raconter quelques détails de sa journée, et enfin, affiche un air amusé devant sa conclusion. il suppose que faire plus ample connaissance, comme il dit, ne peut pas faire de mal. et il est curieux de voir où cela va le mener, quoique qu'il ait bien quelques hypothèses.

avec plaisir. demande-moi ce que tu veux, márr.

le prénom de l'autre glisse sur ses lèvres avec insistance, de la même façon que son regard glisse le long de son corps avant de revenir jusqu'à ses yeux. il sourit.

après tout, on a toute la soirée devant nous, affirme-t-il calmement.

il semble particulièrement sûr de lui, comme si aucun obstacle ne pouvait se dresser sur son chemin. et ce, quel que soit celui qu'il décide d'emprunter. il n'en est pas encore tout à fait certain, même si la balance commence à pencher d'un côté. mais peu importe ; tout ce qui compte maintenant, c'est qu'il s'amuse beaucoup.

la curiosité sincère émanant des paroles de l'autre le flatte un peu, et surtout le fait rire doucement. plus la discussion avance, plus donovan se surprend à apprécier la compagnie fraîche et agréable de márr. pourrait-on finalement qualifier l'accident de tout à l'heure comme un heureux hasard ? peut-être bien.

d'accord. hm…

il réfléchit. de quoi peut-il bien lui parler ? il n'est pas d'humeur à évoquer son travail, et parler de son deuxième emploi moins légal est bien évidemment inenvisageable. ça réduit les options, mais il trouvera bien des choses à dire. on trouve toujours.

je n'ai pas grandi à polaris. j'ai failli faire l'armée quand j'étais jeune. et donovan n'est pas mon prénom, mais mon nom de famille.

il lance un regard au jeune homme, guettant ses expressions avec intérêt.

est-ce que ça te suffit ? ou tu aimerais bien en savoir plus ? s'enquiert-il en reprenant son verre d'alcool pour le faire tourner entre ses doigts d'un air distrait.

parfait. donovan est content. il a trouvé la distraction qu'il cherchait, peut-être pas pas de la façon qu'il aurait pu imaginer, mais ça ne le dérange pas le moins du monde. c'est bien de changer un peu ses habitudes, parfois.

t'as pas tort.

il finit son verre d'une traite, glisse un billet au barman et se lève. la patience n'est pas son point fort et il a l'impression que c'est aussi le cas de márr - en tout cas, dans ce contexte.

allons-y. chez moi, ça te va ?

il ne lui laisse pas vraiment le temps de répondre ; il a déjà passé un bras autour de sa taille pour l'entraîner avec lui vers la sortie du bar, un sourire aux lèvres et des idées intéressantes en tête. la soirée n'aurait pas pu mieux se terminer, et la nuit, commencer.